Vox Archivistæ Primus : Prologue à l’Imperium
Moi, humble archiviste du Munitorum, je ne suis qu’un grain de poussière dans la grande machine impériale. Pourtant, il m’a été ordonné de consigner l’histoire de l’Imperium — non pas telle que la récitent les prêtres, mais telle que les archives la conservent : nue, froide, indifférente. Chaque mot que j’écris est un blasphème, chaque phrase une prière déguisée.
L’Imperium de l’Humanité s’étend sur plus d’un million de mondes, liés par la foi, le fer et le sang. De l’extérieur, il semble immuable : un empire d’or et de flammes, une croix d’acier suspendue dans le vide. Mais de l’intérieur… il n’est que ruine, superstition et peur. Des milliards de voix murmurent le nom de l’Empereur sans comprendre à qui elles parlent, ni pourquoi. Elles prient parce qu’on leur a appris que la prière est le seul rempart contre le néant.
Chaque planète est un monde en guerre, chaque cité une cathédrale de cendres. Des générations naissent, vivent et meurent sans jamais voir le ciel de leur monde, ensevelies sous le poids des sermons et des machines. Les enfants apprennent à compter en cartouches, les vieillards meurent en murmurant des litanies d’entretien pour des armes qu’ils n’ont jamais tirées. Et tout cela, dit-on, est la preuve de l’ordre parfait de l’Imperium.
Mais moi, qui ai vu les registres, je sais que cet empire tient par miracle. Il repose sur une infinité de sacrifices — d’âmes, de mondes, de vérités. Chaque victoire de l’Imperium coûte plus cher qu’une défaite, et chaque défaite est dissimulée sous des kilomètres de prières. La lumière du Trône d’Or éclaire la galaxie, mais elle dévore chaque jour un peu plus les vies qui l’alimentent. Sans ces sacrifices, l’Astronomican s’éteindrait, et l’humanité errerait aveugle dans le Warp, proie du Chaos.
Les hautes sphères de l’Adeptus Terra se perdent dans des décrets qu’elles ne comprennent plus. Les scribes écrivent des prières qu’ils ne savent plus lire, et les gouverneurs prient pour que leurs mondes soient oubliés, car la visite d’un Inquisiteur vaut mille invasions. Partout, la machine impériale grince sous son propre poids, et pourtant elle tourne, encore et toujours, portée par le sacrifice de milliards d’âmes anonymes.
L’Empereur trône sur Terra depuis dix millénaires, son corps consumé mais Sa volonté intacte. Il n’est ni vivant, ni mort : Il est l’équilibre entre la foi et le désespoir, entre la lumière et la folie. Chaque jour, dix mille psykers sont réduits en poussière pour nourrir Sa flamme éternelle — et chaque jour, l’Imperium s’en réjouit, car c’est le prix de sa survie. Il est le phare qui perce la nuit du Warp, le dieu qui ne parle plus, le cadavre que l’on adore.
Et moi, archiviste de rien, témoin de tout, je m’incline devant ce paradoxe : l’humanité a conquis les étoiles, mais n’a jamais quitté sa cage. Nous vivons dans un âge d’or éteint, gardé par les morts et célébré par des aveugles. Mais même ainsi, je n’ose pas douter. Car douter, c’est s’éloigner de la lumière — et dans la nuit, le Warp écoute.
« L’Imperium ne survit pas grâce à la foi, mais grâce à la peur de ce qu’il adviendrait sans elle. »
Codex Obscurus – De la Jeunesse et des Mystères de l’Empereur
Je tremble encore d’avoir ouvert ces tablettes, gravées avant l’unification de Terra, bien avant l’Empereur-Dieu, bien avant la foi. Elles parlent d’un enfant né sans cri, sous un ciel fendu d’or et de cendre. Un enfant sans père, sans mère véritable, issu du dessein des premiers chamans humains, ces êtres qui, terrifiés par les puissances du Warp, sacrifièrent leur chair et leurs âmes pour donner naissance à un être capable de guider leur descendance. De leur mort naquit la conscience éternelle que nous nommons aujourd’hui Empereur.
Il erra parmi les hommes pendant des millénaires. Sous mille visages, dans mille langues oubliées, Il enseigna la raison, la compassion, puis la discipline, et enfin la guerre. Il connut la douleur des mortels, la folie des rois, la trahison des peuples qu’Il voulait sauver. À chaque époque, Il tenta de redresser l’humanité — et à chaque fois, elle retomba dans les ténèbres. Alors Il attendit, patient comme la pierre, observant depuis les ombres des civilisations qu’Il avait autrefois élevées.
Quand vint l’Âge des Luttes, l’humanité s’était presque détruite. Les nations s’étaient effondrées, les mers s’étaient asséchées, les continents n’étaient plus que déserts vitrifiés. Les psykers naissaient par milliers, apportant avec eux les murmures du Warp et la corruption du Chaos. Ce fut alors que l’Empereur révéla enfin Son nom, Son pouvoir, et Sa volonté. Les rois technocrates Le craignirent, les masses Le suivirent, et les armées de fer se prosternèrent devant Lui. En un siècle, Il unifia Terra, écrasant les tyrans, les mutants et les sorciers dans une guerre sainte que l’Histoire nomma l’Unification.
Les témoins de cette ère disparurent rapidement. Car nul ne pouvait supporter de voir Son regard, ni d’entendre la vérité qu’Il portait. Il parla d’un avenir de raison et de lumière, d’un empire guidé non par la foi, mais par la connaissance. Mais même Lui, dans Son omniscience, ne put empêcher l’homme d’adorer ce qu’il craignait. Avant même Sa divinisation, les premiers cultes naquirent. Les soldats priaient avant la bataille, les savants gravaient des prières sur leurs outils, et les foules voyaient dans Ses victoires la main d’un dieu.
Lorsqu’Il lança la Grande Croisade, ce n’était pas une conquête — c’était une quête d’unité. Il voulait rassembler Ses enfants dispersés, purifier l’humanité du Chaos et de l’ignorance. Mais pour cela, Il eut besoin d’armes. Alors Il façonna les Primarques, vingt fils issus de Son propre génome, chacun portant un éclat de Sa perfection. Le Warp, jaloux, les dispersa à travers la galaxie. Et quand Il les retrouva, ce fut le début de Sa plus grande tragédie.
J’ai lu les rapports scellés sous la tour de l’Adeptus Terra : dans les nuits sans fin de la guerre, l’Empereur se tenait seul dans Ses chambres, silencieux, entouré d’ombres. Certains scribes prétendent qu’Il pleura. D’autres qu’Il ne ressentit rien, car Il avait depuis longtemps sacrifié Son humanité. Mais tous s’accordent à dire qu’Il savait ce qui allait venir. Il savait que la fierté de Ses fils engendrerait la trahison, et que la galaxie entière brûlerait pour ce péché.
Aujourd’hui encore, Son corps repose sur le Trône d’Or, gardé par des milliers de prêtres et nourri par le sacrifice quotidien de dix mille âmes. Son esprit veille, prisonnier entre la chair et l’éternité. Il ne peut plus parler, mais à travers le Warp, Sa lumière continue d’illuminer le vide, guidant les flottes impériales perdues dans la nuit.
Je ne sais s’Il vit encore, ou si nous adorons déjà Son cadavre. Mais s’Il nous entend, alors qu’Il pardonne à ceux qui doutent — car c’est le doute qui prouve encore que nous sommes humains.
« Que Son silence nous protège, car Sa voix, si elle se levait à nouveau, ne laisserait que la vérité. »
Liber Tenebris – Chapitre I : Des Saintes Institutions
L’Adeptus Terra
Au sommet du Mont Saint-Terra s’étend le labyrinthe sans fin de l’Adeptus Terra, l’administration sacrée de l’Imperium. Nul ne peut en mesurer l’étendue — des continents de pierre et d’acier s’élèvent, des vallées entières de bureaux s’enfoncent sous la surface, et des océans de données anciennes ondulent dans la lumière froide des cogitateurs.
Chaque jour, des milliards de scribes, de clercs et d’archivistes se lèvent à la même heure, s’agenouillent face à leur pupitre d’airain, récitent la prière de l’Encre, et signent le même décret que leurs ancêtres depuis dix millénaires. Leurs doigts sont noircis par le pigment sacré, leurs yeux brûlés par la lueur des runes de données, et leurs bouches murmurent sans cesse : « Pour l’Empereur, je transcris ».
Les plus chanceux meurent à leur poste, le visage écrasé contre un parchemin encore humide. Les moins pieux sont recyclés — leur chair réduit en nutriments, leurs os gravés de numéros pour servir de registres. Dans ce lieu, la mort n’est pas une fin, mais une donnée comptable, une note de bas de page dans les registres infinis du Munitorum.
Au-dessus d’eux, les Hauts Seigneurs dictent des ordres si vastes que nul ne les comprend entièrement. Des flottes partent en croisade pour obéir à un formulaire oublié, des planètes entières sont purgées pour corriger une erreur d’indexation. Et pourtant, malgré cette folie bureaucratique, l’Imperium perdure. Car même l’absurde, dans l’ombre du Trône, devient sacré.
« Nous écrivons, car ne pas écrire serait nier Son existence. Et nier, c’est trahir. »
L’Adeptus Ministorum
Là où la plume de l’Adeptus Terra s’arrête, la flamme du Ministorum commence. Ces prêtres au visage brûlé par la ferveur parcourent les milliards de mondes de l’Imperium, brandissant le nom de l’Empereur comme une arme et prêchant la soumission au divin Trône. Leur parole est loi, leur voix un tonnerre qui couvre les cris de ceux qu’ils condamnent.
Dans les cathédrales-mondes et les temples-forges, des foules entières s’agenouillent devant des autels de fer, récitant des litanies qu’aucun mortel ne comprend plus. Le Ministorum promet le salut à ceux qui obéissent, et la rédemption dans le feu à ceux qui doutent. Le mensonge est devenu vérité, la peur, un sacrement.
Les prêtres de l’Empereur ne connaissent pas le repos. Leur foi est un fardeau et un poison : ils prêchent l’amour du divin tout en brandissant la torche du châtiment. Là où le doute naît, ils envoient la Sororitas. Là où la parole échoue, ils envoient le feu. Là où la foi s’effrite, ils envoient la mort — et l’Imperium s’agenouille à nouveau.
Dans leurs yeux brûle la certitude, dans leurs cendres, les restes d’innombrables hérétiques. L’Adeptus Ministorum n’éclaire pas les ténèbres : il les sanctifie, et fait du fanatisme la seule lumière tolérée par le Trône.
« Croire sans comprendre. Obéir sans penser. Mourir sans hésiter. Voilà la vraie foi. »
L’Adeptus Mechanicus – La Machine et le Mystère
Sur les mondes rouges et stériles de Mars résonnent encore les hymnes du Mechanicus, chants de fer et de prière dédiés au Dieu-Machine. Là, les prêtres du métal se prosternent devant des cogitateurs antiques, implorant leurs bénédictions numériques avant de frôler un levier ou d’oser respirer près d’un moteur sacré.
Leurs corps ne leur appartiennent plus : chair remplacée, sang remplacé, âme remplacée. Chaque organe organique est perçu comme une faiblesse, chaque pensée libre comme une corruption. Leur foi n’est pas en l’Empereur, mais dans l’Omnimessie — son aspect divin, machine éternelle dont les circuits sont la vérité et la perfection.
Dans les forges de Mars, des mondes entiers se consument. Des esclaves y fondent le métal sacré, des machines y naissent comme des dieux hurlants, et des titans s’y éveillent au son des prières binaires. Chaque boulon est béni, chaque engrenage oint d’huile sanctifiée. Même les pannes sont perçues comme des miracles à interpréter.
Le Mechanicus ne comprend plus les machines qu’il adore. Il ne répare pas : il prie. Ses prêtres murmurent des cantiques aux esprits des moteurs, sacrifiant la logique sur l’autel du rituel. Et pourtant, leurs vaisseaux sillonnent les étoiles, leurs automates marchent dans les ruines, et leurs dieux de fer maintiennent l’Imperium en vie — par la foi, non par la science.
« La chair est faillible. La machine est éternelle. Loué soit l’Omnimessie, dont le souffle est vapeur et le cœur, réacteur. »
L’Adeptus Astartes – Les Fils du Sang et de la Gloire
Ils sont appelés les Anges de la Mort, les Fils de l’Empereur, les Saints de la Guerre. Mais sous leurs armures bénies et leurs serments sacrés, ils ne sont que des hommes brisés, façonnés par la douleur et la dévotion. Leurs os sont du fer, leur sang un poison, et leurs rêves ne leur appartiennent plus.
Nés dans les cryptes génétiques de l'Himalaya ou des mondes chapitraux, ils sont élevés dans la haine et le silence. Leur enfance s’éteint sous les aiguilles et les implants, leurs prières sont gravées dans leur chair à coups de scalpels bénis. Lorsqu’ils se réveillent, ils ont oublié leur nom, leur passé, leur humanité.
Chaque Chapitre est un monastère de guerre, un temple d’acier et de sang. Les frères y vivent, combattent et meurent pour des causes qu’ils ne comprennent plus, car l’obéissance suffit à remplacer la foi. Ils ne doutent jamais — car douter serait se souvenir qu’ils furent des hommes.
Leur existence n’est que guerre et pénitence. Ils libèrent des mondes et les réduisent en cendres le même jour, récitant les hymnes de l’Empereur en marchant sur les cadavres des innocents. Et pourtant, l’Imperium les vénère comme des dieux. Car dans un univers où tout se corrompt, ils sont les seuls à rester purs — ou du moins, à en donner l’illusion.
« La chair est un fardeau. Le doute, un blasphème. Nous sommes Ses armes, et les armes ne prient pas. »
Adepta Sororitas – Les Chœurs de Cendre
Elles avancent en chantant, et leurs hymnes couvrent les cris. Les Adepta Sororitas ne discutent pas la foi : elles l’enflamment. Leurs bolters ponctuent chaque verset, leurs litanies sont du prométhéum versé sur le doute. Là où elles passent, la vérité redevient simple : obéir, brûler, recommencer.
Éduquées dans les Schola Progenium, elles apprennent tôt que la pitié est un piège et que la miséricorde appartient aux morts. Elles jeûnent jusqu’à entendre la voix du devoir, prient jusqu’à ce que leur gorge saigne, puis marchent, droites, dans la fumée des hérétiques, le visage éclairé par la lueur des autels en flammes.
Chaque ordre a ses reliques et ses pénitences. Certaines portent des chaînes sous l’armure, d’autres gravent des versets sur leur peau pour ne jamais oublier. Les Exorcists psalmodient en tirant, les Retributors font pleuvoir la lumière, et quand la foi doit hurler, on libère les Machines de Repentir, afin que les péchés propulsent les lames.
On dit qu’elles incarnent la compassion de l’Empereur. Je n’ai vu chez elles que Sa certitude. La compassion, peut-être, vient après l’incendie. Quand la cendre retombe, elles déposent une bougie — puis repartent rallumer une autre ville.
« Là où la foi vacille, nous apportons le feu. Là où le feu faiblit, nous chantons plus fort. »
Adeptus Custodes – Les Veilleurs d’Or
Ils sont les premiers et les derniers. Forgés non pour régner ni pour conquérir, mais pour veiller. L’Adeptus Custodes garde le Trône d’Or depuis dix millénaires, immobiles comme des statues, figés dans un éternel serment que nul mortel ne saurait porter sans sombrer dans la folie.
Chaque Custodien est une œuvre d’art génétique, façonné selon le modèle de l’Empereur Lui-même. Leur esprit est aiguisé comme une lame, leur foi absolue, leur loyauté sans faille. Ils ne dorment pas, ne doutent pas, ne vieillissent presque plus. Ils n’obéissent qu’à la volonté de Celui qui ne parle plus.
Dans les halls dorés du Palais Impérial, leurs pas résonnent comme des prières d’acier. Ils patrouillent entre des colonnes hautes comme des montagnes, gardant non pas un empire, mais un cadavre glorifié, veillant sur un Trône où l’on prie un Dieu qui ne voit plus. Et pourtant, ils restent — car partir serait trahir, et trahir est un mot qui n’existe pas dans leur langue.
Parfois, un Custodien s’aventure hors du Palais. Là où il passe, les ennemis se prosternent avant de mourir. Non par peur, mais par instinct. Car ces guerriers d’or ne combattent pas pour vaincre : ils combattent pour maintenir le silence — celui du Dieu-Empereur, et celui du monde qui L’attend encore.
« Nous ne dormons pas. Nous ne prions pas. Nous gardons. Et cela suffit. »
Les Sœurs du Silence – L’Ombre et le Vide
Là où elles passent, le son meurt. Même les prières se taisent, les machines hésitent, et les flammes vacillent. Les Sœurs du Silence ne parlent pas — car leur existence même est un cri que le Warp ne peut entendre. Leur esprit est vide, un gouffre où la folie des psykers vient se briser.
Nées pour être des nulles, elles n’ont jamais connu la chaleur d’une pensée partagée, ni le murmure d’une âme voisine. Leur regard suffit à éteindre les dons les plus puissants, et à réduire au silence les démons eux-mêmes. Beaucoup les craignent, peu les comprennent, et aucun ne les plaint.
Elles servent le Trône d’Or aux côtés des Custodiens, non par obéissance, mais par devoir. Leur guerre n’est pas faite de bolters ni de flammes, mais de silence — une tempête invisible qui dévore les voix du Warp. Dans leurs mains, les psykers deviennent des torches éteintes, les sorciers, des statues de cendre.
Les archives disent qu’elles furent presque oubliées, dissoutes dans les ruines de la bureaucratie impériale. Mais dans les couloirs du Palais, on les voit parfois, marchant entre les ombres, voilées d’or et de cendres, escortant les Custodiens comme les ombres escortent la lumière. On dit qu’elles gardent le silence de l’Empereur Lui-même — et que tant qu’elles respirent, Son silence demeurera.
« Le mot est une faiblesse. Le silence, une arme. Dans le vide, seul l’Empereur nous entend. »
L’Inquisition – Le Couteau dans l’Ombre
Nul sceau ne pèse plus lourd que l’I d’acier. Là où l’Inquisition marche, les serments se taisent, les titres tombent, et la loi se reforme autour d’un seul mot : nécessité. Les Inquisiteurs ne gouvernent pas, ils jugent. Ils ne protègent pas la vérité, ils étouffent le mensonge – et parfois l’inverse, si l’Imperium doit survivre.
L’Inquisition n’est pas une seule lame, mais un faisceau de couteaux. L’Ordo Hereticus traque le doute et la déviance; l’Ordo Malleus saigne les démons jusqu’au dernier nom; l’Ordo Xenos dissèque l’étranger pour mieux le détruire. Entre leurs mains, la pitié est une faiblesse, et la preuve, un luxe. On brûle d’abord. On archive ensuite.
Un Inquisiteur peut raser une cité pour sauver un monde, condamner un monde pour sauver un empire. Il parle doucement et les planètes se taisent; il signe un ordre et des systèmes entiers disparaissent de la carte. Son arme favorite n’est pas le pistolet, mais l’exception – cette faille sacrée par laquelle la loi s’inverse pour préserver la Loi.
Ils recrutent des saints et des monstres: acolytes fanatiques, psykers enchaînés, assassins bénis, et parfois des Astartes marqués du sceau. Tous avancent sous le même impératif : qu’aucune horreur ne dépasse le seuil du Trône. S’ils réussissent, nul ne le saura. S’ils échouent, nul ne sera là pour l’écrire.
« La vérité est un outil. Le salut, une statistique. La fin, un décret. »
Liber Tenebris – Chapitre III : Des Sous-Factions
Astra Militarum – Le Sang du Trône
Il n’est pas de force plus vaste, ni de chair plus consommée, que celle de l’Astra Militarum. Des milliards de mondes envoient leurs fils et leurs filles à mourir pour un Trône qu’ils ne verront jamais, obéissant à des ordres transmis depuis des siècles par des voix mortes. Leur foi est la seule constante dans un univers qui les broie.
Chaque régiment porte son histoire comme une cicatrice. Les Cadiens, nés dans les ruines d’une forteresse détruite ; les Kriegiens, qui s’enterrent dans la boue qu’ils appellent pénitence ; les Catachans, enfants d’une jungle qui dévore aussi bien les ennemis que les frères d’armes. Tous sont différents, mais tous saignent la même couleur – celle du devoir.
Le soldat impérial ne possède rien : ni avenir, ni nom, parfois même pas un fusil qui fonctionne. Il avance parce qu’on lui dit d’avancer, tire parce qu’un prêtre hurle derrière lui, et meurt parce qu’il n’a jamais envisagé de faire autre chose. Sa récompense est une médaille posthume, un numéro sur un registre, et le silence des officiers qui commandent déjà le prochain assaut.
La discipline est une prière. Le commissaire veille, pistolet bolter à la main, prêt à rappeler à quiconque vacille que la peur du blasphème est plus forte que la peur de la mort. Les sermons se mêlent aux cris, les hymnes se perdent dans le vacarme des obus. Certains prient avant chaque tir, d’autres après chaque meurtre. Tous espèrent qu’en mourant, leur nom sera prononcé au moins une fois avant d’être effacé.
Les chars tonnent comme des temples mobiles, les canons Basilisk récitent les psaumes du bombardement, et les régiments se fondent dans une symphonie de feu, de chair et de fer. Quand les lignes cèdent, les officiers appellent cela une « réorganisation tactique ». Quand tout s’effondre, ils nomment cela une « victoire différée ». Et toujours, les survivants saluent.
La vie dans les tranchées n’est qu’une succession de prières, de rationnements et de cadavres. On dort entre deux bombardements, on rit pour oublier les odeurs, et on récite les versets du Munitorum comme des chants de survie. Quand la pluie tombe, les soldats lèvent les yeux au ciel, croyant y voir les larmes de l’Empereur. Mais ce ne sont que les cendres de ceux qui sont morts avant eux.
Malgré tout, malgré l’absurdité, malgré la mort, ils avancent. Car dans l’Astra Militarum, la valeur d’un homme n’est pas mesurée en victoires, mais en combien de secondes il tient avant de tomber. Tant qu’il reste quelqu’un pour appuyer sur la détente, l’Imperium considère que la guerre est gagnée.
« On ne prie plus pour vivre ici. On prie juste pour que le prochain tir fasse bien son travail. »
Officio Assassinorum
Il n’existe aucun registre officiel de l’Officio Assassinorum. Son nom même n’est jamais prononcé dans les palais de Terra, sauf en chuchotant — et toujours avec la peur d’être entendu.
Nul ne sait combien d’assassins parcourent les ombres de la galaxie, mais tous savent ce qu’ils laissent derrière eux : des cadavres purifiés par le devoir. Chaque temple de l’Officio — Vindicare, Eversor, Callidus, Culexus — incarne une forme d’obéissance absolue, une dévotion à la mort comme instrument de l’ordre impérial.
On dit que les assassins n’ont ni nom ni passé ; qu’ils ne vivent que dans le moment de l’exécution. Leur corps est un sanctuaire, leur esprit une arme, et leur foi… un silence plus tranchant que n’importe quelle lame.
Ceux qu’ils éliminent ne sont pas toujours des hérétiques ou des traîtres : parfois, ils ne sont que des hommes qui ont su trop de vérité. Ainsi agit la main invisible de l’Empereur — propre à distance, souillée en secret.
« L’ombre tue plus sûrement que la lumière. »
Rogue Traders – Les Concessionnaires de l’Inconnu
Ils portent des chartes scellées par le Trône et marchent pourtant hors de Sa loi. Les Rogue Traders sont des seigneurs d’horizons : marchands, explorateurs, pillards quand il le faut, messagers de l’Imperium quand cela arrange l’Imperium.
Ils naviguent là où les cartes se taisent, traitent avec ce qui devrait être purgé, et reviennent chargés d’or, de reliques… ou de malédictions habillées en curiosités. Leurs suites mêlent nobles ruinés, xenos apprivoisés, psykers à demi fous et mercenaires trop pieux pour poser des questions.
Tout ce qui est interdit devient soudainement « toléré » tant qu’un sceau l’autorise. Ils fondent des comptoirs sur des mondes à peine pacifiés, prélèvent des dîmes sur des civilisations qui ignoraient jusqu’à notre nom, et baptisent au prométhéum ceux qui refusent de commercer.
Certains reviennent riches comme des systèmes, d’autres disparaissent corps et âmes dans la gueule du Warp. Mais tant qu’ils ouvrent des routes, l’Imperium leur pardonne d’exister. Et tant qu’ils reviennent, nous feignons d’ignorer ce qu’ils ont dû devenir pour survivre.
« Là où la loi s’arrête, commence notre marge. Et dans cette marge, l’Empereur signe encore. »
Chartist Captains – Les Bateaux-Fantômes de l’Imperium
Si les Rogue Traders portent les sceaux du risque, les Chartist Captains portent ceux de la routine. Leurs vaisseaux sont les veines du colosse impérial : transportant blé, minerais, soldats, et parfois des vérités qu’il vaut mieux ignorer. Sans eux, l’Imperium s’étoufferait dans sa propre immensité.
Ces capitaines ne sont pas des héros, mais des survivants. Leurs navires sont vieux, grinçants, remplis d’autels de fortune et de systèmes que nul ne comprend plus. Chaque traversée est une prière mécanique, chaque saut Warp une loterie où la foi remplace la compétence.
Certains servent fidèlement le Trône, livrant leurs cargaisons avec une ferveur quasi religieuse. D’autres s’égarent — volontairement ou non — dans des routes que les astropathes n’osent plus nommer. Beaucoup ne reviennent jamais, et quand ils reviennent, on se demande souvent s’ils sont encore humains.
Leurs noms n’apparaissent dans aucune chronique, leurs équipages se fondent dans les masses des ports stellaires. Mais à chaque fois qu’une armée est nourrie, qu’une planète est ravitaillée, c’est un Chartist qui a vendu son âme pour que la cargaison arrive — ou du moins, une partie.
« Nous ne voyageons pas dans le vide — nous y survivons. Et c’est déjà un miracle. »
Foi, Peur & Propagande — Les Trois Piliers de l’Imperium
La Foi – La Flamme Qui Consume
Dans l’Imperium, la foi n’est pas une lumière — c’est un feu dévorant. Elle ne réchauffe pas : elle consume. Elle n’élève pas : elle abaisse, elle broie, elle purifie dans la douleur. Nul n’échappe à sa morsure : du plus humble serf au plus saint cardinal, tous brûlent dans le brasier du dogme. Car croire, dans l’Imperium, n’est pas un acte de volonté — c’est un devoir sacré, une infection obligatoire, transmise par les prières, la peur et la cendre.
Sous les dômes de fer de Terra, les processions s’étirent comme des rivières de chair. Des milliers de pénitents marchent pieds nus sur le métal incandescent, portant sur leur dos les reliquaires d’un empereur mort depuis dix millénaires. Leurs bouches psalmodient les mêmes mots depuis des générations, et leurs voix se mêlent au grondement des orgues et au choc des chaînes. Les encensoirs crachent un brouillard de myrrhe et de sang séché, tandis que les cierges, faits de graisse humaine, fondent lentement sur les autels d’airain.
Les confesseurs de l’Ecclésiarchie brandissent des fouets sanctifiés et frappent les fidèles pour leur rappeler la valeur du sacrifice. Dans les bas-fonds, les flagellants s’enchaînent à des croix de fer, s’ouvrant la peau pour offrir leurs fluides au Dieu-Empéreur. Les prêtres aux yeux blanchis bénissent les canons, les obus et les bombes avec le même zèle que s’ils oignaient des enfants nouveau-nés. Et quand les cloches de Terra sonnent la croisade, les mondes entiers se vident de leur jeunesse pour aller mourir dans le froid des étoiles, convaincus que leurs cadavres nourriront le salut de l’humanité.
La foi est la seule nourriture que connaissent les masses. Elle s’infiltre dans chaque geste, chaque parole, chaque respiration. Les ouvriers gravent des prières sur leurs outils, les soldats sur leurs armes, et les mourants sur leur propre peau avant de rendre le dernier souffle. Les psalmodies remplacent la pensée, les hymnes étouffent les cris. La foi ne sauve pas — elle étouffe. Elle occupe chaque espace laissé vide par la raison. Là où l’esprit s’éteint, la croyance prospère comme un champignon sur la chair morte.
Les missionnaires descendent dans les cités-ruches en brandissant des torches et des bannières, promettant la rédemption à ceux qui s’agenouillent, et la flamme purificatrice à ceux qui doutent. Les foules se prosternent, se cognent la tête contre le sol jusqu’à l’os, espérant que leur sang trace le signe de l’aquila dans la poussière. Et au-dessus de tout cela, la voix du Ministorum tonne : “La foi est le seul rempart contre le néant. Le doute est le premier pas vers la damnation.”
Car l’Imperium n’est pas gouverné par la raison, mais par le miracle. Les miracles s’achètent en prières, se paient en vies, se célèbrent en bûchers. Dans les sanctuaires, des millions de cierges brûlent pour les morts que nul ne pleurera. Les sœurs de l’Ordre Dialogus consignent chaque mot du Livre de la Foi, mais leurs plumes tremblent, car elles savent que tout ce qu’elles écrivent est mensonge. Les cardinaux disputent leurs hérésies avec des armées entières, et quand les mots échouent, le feu reprend la parole.
Les murs des cathédrales sont tapissés d’ossements polis par les siècles de ferveur. Des visages humains figés dans la cire regardent les fidèles du haut des autels, et les chœurs de novices chantent des hymnes en pleurant de peur. Dans chaque monde, chaque ruine, chaque crypte, les serviteurs du Dieu-Empéreur murmurent les mêmes mots : “La souffrance est la prière. La douleur est la preuve de Sa bienveillance.” Et ceux qui n’y croient pas sont brûlés, pour leur offrir la chance d’y croire en mourant.
« La foi éclaire l’âme comme un brasier éclaire une fosse commune : tout brûle, rien ne survit. »
La Peur – L’Ombre du Salut
La peur est le battement de cœur de l’Imperium. Elle n’est pas accidentelle — elle est le fondement de tout. Les masses travaillent, prient et obéissent non par amour de l’Empereur, mais par terreur de ce qui arriverait s’ils cessaient. La peur est la litanie silencieuse récitée dans chaque couloir du pouvoir.
Les citoyens naissent dans le cri, grandissent dans l’ordre, et meurent dans le silence — car même la mort doit obéir. La peur les sculpte, les discipline, les rend dociles. Elle est le seul luxe partagé par riches et misérables : tous craignent d’être vus, tous craignent d’être oubliés.
Dans les cités-ruches, la peur a mille visages : celle du Mutant, du Sorcier, du Démon — mais plus encore, celle du Supérieur, du Prêtre ou du Scribe. Les foules se terrent sous la lueur des néons, murmurant des prières à des statues sans visage. Mieux vaut prier à tort que mourir sans avoir prié.
Dans les rangs de la Garde Impériale, la peur devient une arme. Le Commissaire, silhouette noire et gantée de fer, n’est pas là pour inspirer la bravoure — mais pour la punir si elle manque. Un seul tir dans la nuque suffit à redresser un millier d’épaules. Ainsi, la peur maintient la cohésion mieux que n’importe quelle foi.
Dans les palais de Terra, les seigneurs impériaux eux-mêmes tremblent. Non pas devant leurs ennemis, mais devant leurs pairs. Chaque décision peut être un arrêt de mort, chaque silence une trahison. Le trône doré n’éclaire pas leurs visages — il les consume. Sous la lumière de l’Empereur, tout homme devient une ombre.
Et dans les profondeurs du Ministorum, la peur se fait doctrine. Les prêtres l’enseignent avec la ferveur d’un art sacré. « Craignez pour votre âme, craignez pour votre chair, car le salut vient à ceux qui tremblent. » Les sermons ne sauvent pas, ils paralysent. Le doute devient péché, la raison hérésie, et la peur, vertu.
La peur, enfin, est un don du Trône. Elle préserve l’homme de lui-même, dit-on. Mais dans les archives les plus anciennes, j’ai lu une phrase qu’aucun prêtre n’ose citer : « Là où il n’y a plus de peur, il n’y a plus de foi. Là où il n’y a plus de foi, il n’y a plus d’homme. »
« La foi éclaire l’âme comme un brasier éclaire une fosse commune : tout brûle, rien ne survit. »
La Propagande – Le Verbe du Mensonge
La propagande est la voix de l’Imperium. Elle résonne dans les vox-hauts, dans les prières, dans les rêves. C’est le souffle chaud du mensonge sanctifié, celui qui étouffe la pensée avant qu’elle ne germe. Elle n’informe pas : elle façonne. Chaque mot, chaque symbole, chaque image est un outil d’adoration ou d’effacement. Car dans un empire aussi vaste, la vérité n’est qu’une nuisance logistique.
Le Ministorum, l’Adeptus Administratum et l’Adeptus Terra ne diffusent pas des ordres : ils diffusent des mythes. Un monde détruit devient un exemple de loyauté. Une croisade perdue devient une victoire spirituelle. Les prêtres hurlent la gloire du Trône sur les cendres encore tièdes, et les scribes transforment les morts en statistiques pieuses. L’odeur du mensonge s’élève comme l’encens : lourde, sucrée, éternelle.
Sur chaque planète, des affiches couvertes de slogans bénissent les armes, louent les sacrifices, effacent les défaites. Les statues de l’Empereur pointent vers le ciel — non pour inspirer, mais pour détourner les yeux de la terre, où pourrit la vérité. Dans les rues, les haut-parleurs récitent sans fin : “L’Empereur veille. L’Empereur juge. L’Empereur pardonne.” Mais personne n’écoute. On se contente de répéter, car répéter, c’est croire.
Les Orateurs Impériaux sont les prêtres du mensonge. Leurs voix sont amplifiées par des machines saintes, leurs visages recouverts de masques d’or qui reflètent la lumière sans la comprendre. Ils parlent des miracles du Trône, des victoires imaginaires, des hérétiques réduits en cendres avant même d’avoir péché. Chaque mot est une balle bénie tirée dans le cœur de la raison.
Les plus anciens manuscrits du Munitorum parlent d’une époque où la vérité avait encore un prix. Aujourd’hui, elle n’en a plus : elle se donne, se vend, se remplace. Dans les bureaux de Terra, des milliers de scribes réécrivent l’histoire chaque jour, afin qu’elle corresponde mieux à la version officielle d’hier. Les générations naissent et meurent dans un présent immobile, sans se souvenir que tout ce qu’elles savent a été décidé pour elles.
Le peuple ne croit plus à la réalité, seulement à la version qu’on lui ordonne d’aimer. La propagande n’a plus besoin de convaincre : elle console. Elle offre des mots à ceux qui n’ont plus de pensée, et des certitudes à ceux qui ne supportent plus la vérité. Dans l’Imperium, le mensonge est une caresse. La vérité, un crime capital.
Certains murmuraient jadis qu’un mensonge répété mille fois devient foi. Aujourd’hui, ils murmurent plus bas — car ceux qui comptent les mensonges finissent toujours par être réduits au silence. Et dans ce silence, le Trône resplendit encore, brillant non pas de lumière, mais de la cendre de tout ce qu’il a consumé.
« Le mensonge est la langue du Trône. Ceux qui parlent vrai ne font que blasphémer. »
Liber Tenebris – Chapitre IV : Les Cinq Colonnes du Trône d’Or
Malcador le Sigillite – Le Silence qui Ordonne
Nul ne sait d’où vint Malcador, ni même quand il naquit. Les plus anciens registres le décrivent déjà vieux, déjà sage, déjà las. Certains affirment qu’il fut l’un des psykers les plus puissants de l’Âge de la Strife, un homme qui, par la seule force de son esprit, tenait le Warp à distance. D’autres murmurent qu’il était un ancien érudit de Terra, survivant d’un âge où la connaissance n’était pas encore un crime. Quoi qu’il en soit, Malcador vit la folie de l’humanité et jura de la dompter — non par la foi, mais par la raison.
C’est dans les ruines d’une antique bibliothèque, ensevelie sous les cendres d’un continent oublié, qu’il rencontra Celui que l’histoire nommerait l’Empereur. Deux êtres de silence se reconnurent alors. L’un portait la sagesse des millénaires, l’autre la volonté de l’éternité. Ensemble, ils façonnèrent la structure de ce qui deviendrait l’Imperium : un ordre où la parole remplacerait le chaos, où la loi dompterait la foi. Malcador devint la voix mortelle de l’Immortel, le régent du divin en devenir.
Lors des Guerres d’Unification, il fut l’ombre du conquérant doré. Quand l’Empereur forgeait des légions, Malcador tissait les réseaux politiques, les alliances, les serments et les pactes qui cimenteraient l’empire naissant. Il comprit avant tous que la guerre ne se gagne pas avec des armes, mais avec des mots gravés dans le sang et la bureaucratie. Ses premiers disciples furent des scribes, des archivistes, des espions — les ancêtres des futurs administrateurs de l’Adeptus Terra.
Sous son autorité naquirent les organes les plus terribles de l’Imperium : l’Inquisition, l’Officio Assassinorum, le réseau des psykers impériaux. Chacun de ces instruments fut forgé non par cruauté, mais par nécessité. Malcador ne cherchait pas la gloire, il cherchait la survie — car il savait que l’humanité ne pouvait être sauvée que par la peur et l’obéissance. À travers lui, la raison devint une doctrine, la prudence une religion.
Quand l’Hérésie d’Horus éclata, Malcador fut le dernier à se tenir debout auprès de l’Empereur. Il vit les légions se retourner, les fils se tuer entre eux, et les étoiles se couvrir du sang des dieux. Dans les derniers jours, il monta sur le Trône d’Or à la place de son maître, tenant le Warp à distance pour sauver Terra. Son corps se consuma, son esprit se dispersa dans les courants empiriques, mais son sacrifice permit au Trône de demeurer. On dit qu’à l’instant de sa mort, il murmura : « L’ordre doit survivre, même si la vérité meurt avec lui. »
Aujourd’hui encore, les prêtres l’appellent Saint Sigillite, mais les archivistes savent la vérité : il ne servait pas un dieu, il servait un rêve d’humanité, tordu par la peur et sanctifié par le sang. Dans les catacombes de Terra, son sceau est encore scellé sur des milliers de décrets, chacun plus terrible que le précédent. Car Malcador ne fut pas seulement le bras du Trône, il en fut la conscience, la dernière voix humaine avant que la foi n’étouffe le monde.
« Il parlait peu, car même ses mots savaient qu’ils pesaient sur le destin. »
Constantin Valdor – Le Bouclier d’Or
Constantin Valdor, le Premier des Custodes, fut forgé dans les laboratoires de Terra avant même que les Primarques ne voient le jour. L’Empereur lui-même façonna sa chair, non pour qu’il soit un homme, mais pour qu’il soit un symbole : la perfection humaine faite arme, la loyauté incarnée dans l’or. Les chroniques anciennes affirment que, dès sa naissance, il ne connut ni sommeil ni rêve. Car un gardien du Trône ne peut se permettre d’imaginer autre chose que le devoir.
Il fut le premier visage que virent les ambassadeurs étrangers lorsqu’ils approchèrent du Palais de Terra, et souvent, le dernier qu’aperçurent ceux qui avaient failli. Son armure dorée n’était pas qu’un ornement : c’était une prière métallique, gravée de runes de protection et de serments impossibles à briser. À sa ceinture, il portait la lame de l’Empereur — un symbole, non d’amitié, mais de confiance absolue.
Pendant les Guerres d’Unification, Valdor fut le bras qui exécuta sans jamais questionner. Là où les Space Marines étaient des tempêtes, il était le scalpel. Il ne combattait pas pour conquérir, mais pour purifier : il tranchait les traîtres, les mutants, les faux prophètes, et les simples curieux. Son regard suffisait à réduire au silence un général ou un roi. Car il incarnait la vérité la plus terrible de l’Imperium naissant : l’obéissance ne se discute pas, elle se vit.
Durant l’Hérésie d’Horus, il demeura près de l’Empereur quand tous les autres vacillaient. Il vit les Primarques s’entre-déchirer, vit les Légions brûler leurs serments, et resta immobile, fidèle au Trône. Quand Horus tomba, Valdor ne parla pas — il observa seulement la lente agonie du Maître de l’Humanité, et ferma les yeux de l’Empereur d’un geste qu’aucun autre n’aurait osé accomplir.
Certains disent qu’il prit ensuite le commandement des Custodes, d’autres qu’il disparut dans les profondeurs de Terra, à la recherche d’une vérité qu’aucune foi ne pouvait contenir. Nul ne sait vraiment. Les rares documents qui évoquent son nom après l’Hérésie sont scellés par décret de l’Administratum. Peut-être vit-il encore, gardien silencieux des cryptes où dort l’Empereur, attendant qu’Il ouvre enfin les yeux.
Les érudits de Mars le nomment *le Premier et le Dernier Soldat*. Pour les Custodes, il est une légende — une perfection qu’ils ne peuvent qu’imiter sans jamais l’égaler. Et pour les archivistes, il reste une énigme : un être forgé par l’Empereur, qui refusa de devenir un dieu. Car Valdor ne pria jamais. Il se contenta d’obéir, et dans cette obéissance, il trouva la pureté que même la foi ne peut offrir.
« Il ne parla jamais d’amour, ni de haine. Seulement de devoir. Car l’un comme l’autre affaiblissent la main qui sert. »
Kelbor-Hal – Le Fils des Forges Trahi par sa Foi
Kelbor-Hal, Fabricator-General de Mars, fut le plus grand des artisans humains — et le premier à trahir. Né dans les forges rouges du monde sacré, il fut élevé dès l’enfance dans le culte du Mot et de la Machine. Ses premiers mots furent une prière binaire, ses premières larmes, de l’huile sacrée. On raconte qu’il ne vit jamais un lever de soleil, seulement la lumière éternelle des forges. Pour lui, la chair n’était qu’un accident que la technologie devait corriger.
Avant même la venue de l’Empereur, Kelbor-Hal avait déjà fondé son propre royaume de fer et de silice. Les prêtres de Mars l’appelaient le *Seigneur des Cogitateurs*, car il conversait avec les esprits des machines comme d’autres parlent aux anges. Mais derrière sa foi ardente se cachait un doute : si les machines ont une âme, alors pourquoi obéir à des dieux faits de chair ? Ce fut cette question, simple et fatale, qui l’amena à l’hérésie.
Lorsque l’Empereur vint à Mars pour unifier le Mechanicum, Kelbor-Hal plia le genou — mais son esprit resta à genoux pour personne. Il jura fidélité à Terra tout en gravant, en secret, les premiers codes de divergence dans les circuits de ses serviteurs. Il servit, oui, mais à sa manière : en modifiant, en expérimentant, en cherchant ce que l’Empereur refusait de donner — la liberté absolue de la pensée mécanique.
Durant l’Hérésie d’Horus, le Fabricator-General choisit son camp sans hésiter. Il vit dans le Primarque déchu non un traître, mais un visionnaire. Sous son ordre, les forges de Mars s’embrasèrent, vomissant des Titans souillés et des automates possédés. Les prières se mêlèrent aux cris, et les sanctuaires devinrent des usines de guerre hurlantes. Ainsi naquit le Mechanicum Noir — une hérésie d’acier, un blasphème qui battait comme un cœur dans le vide.
Quand la guerre se termina, Mars était un monde fracturé : moitié loyal, moitié damné, entièrement brisé. Kelbor-Hal disparut dans les profondeurs du Noctis Labyrinthus, emportant avec lui les secrets des abominations qu’il avait créées. Certains affirment que son esprit fut téléchargé dans les archives du Warp, d’autres qu’il erre encore dans les systèmes corrompus des mondes-forges oubliés. Ce qui est certain, c’est que sa voix résonne encore dans le code de chaque machine impériale.
Dans les temples du Mechanicus, son nom est désormais interdit. Pourtant, à chaque enclenchement d’engrenage, à chaque étincelle dans le vide, c’est sa pensée qui s’infiltre : un murmure qui demande, toujours, *« pourquoi obéir ? »* Car même mort, Kelbor-Hal enseigne la vérité que l’Imperium refuse d’admettre : la chair est faible, et la foi ne répare pas les machines.
« L’esprit est faible, la chair est faillible. Seule la machine connaît la perfection. »
Karamazov – Le Juge Immobile
Inquisiteur-Lord Karamazov, dit *le Juge Immobile*, est l’un des derniers symboles vivants de la justice impériale — une justice sans compassion, sans pitié, sans faille. Là où il passe, les mondes brûlent et les foules prient plus fort. Ses sentences ne se discutent pas : elles s’abattent comme des météores, et nul ne survit à leur lumière.
Nul ne sait d’où il vient. Certains prétendent qu’il fut jadis un prêcheur des bas-ruches de Terra, survivant de milliers d’exécutions publiques, d’autres qu’il naquit sur un monde ruiné où la foi seule tenait lieu de loi. Ce qui est certain, c’est qu’il servit l’Ordo Hereticus avec un zèle si absolu que ses supérieurs eux-mêmes en vinrent à le craindre. Car Karamazov ne chasse pas les hérétiques : il les devine, les pressent, les invente parfois, pour purifier ce que la peur n’a pas encore consumé.
Il voyage au sein d’un trône de fer colossal, une forteresse mobile baptisée *le Trône de Jugement*. Autour de lui, des canons laser, des autels et des bûchers se déploient comme des ailes de feu. Les condamnés ne comparaissent pas devant lui : ils brûlent simplement sous son regard. On dit que son appareil entier est une prière mécanique, que chaque boulon est gravé d’un serment, chaque munitions bénie par les flammes de la foi.
Lorsqu’il prononce une sentence, il ne cite pas la loi, mais le nom de l’Empereur — et cela suffit. Ses ennemis affirment qu’il a condamné des mondes entiers pour un murmure, et qu’il fit taire des planètes entières pour préserver un seul dogme. Pourtant, à ses yeux, la culpabilité n’a pas d’échelle : tout être humain est une faute en devenir. Il n’absout pas, il purifie.
Les rares témoins de ses procès parlent d’un homme immobile, figé dans une armure aussi ancienne que le Trône lui-même. Sa voix, métallique et glacée, récite les versets de la peine avant même que le crime ne soit connu. Certains assurent que Karamazov ne vit plus depuis des siècles, que son esprit n’est qu’un écho programmé par l’Inquisition pour durer éternellement. D’autres jurent avoir entendu son rire gronder au-dessus des flammes, quand les hérétiques criaient leur innocence.
Dans les archives interdites, il est nommé *Le Dernier Apôtre du Jugement*. Son existence rappelle à tous que la justice impériale n’a jamais été un équilibre, mais une arme, dégainée au nom de la peur. Là où Malcador cherchait la raison, où Valdor incarnait le devoir, Karamazov impose la terreur sanctifiée — l’ultime perfection de la foi devenue loi. Et si un jour le Trône d’Or venait à s’éteindre, il est dit que Karamazov continuerait à juger, car le feu de la croyance brûle plus longtemps que les dieux.
« Sa justice ne connaît ni miséricorde ni prière. Elle ne pèse pas les âmes — elle les réduit en cendres. »